Le débat autour d’une législation américaine sur le financement de la recherche, du dépistage et du traitement des fibromes utérins connaît une visibilité inédite outre-Atlantique en 2025. L'examen par le Congrès de plusieurs textes, dont le Uterine Fibroid Intervention and Gynecological Health Treatment Act (U-FIGHT Act) et le Stephanie Tubbs Jones Uterine Fibroid Research and Education Act, marque un tournant historique pour la reconnaissance et la prise en charge de cette pathologie gynécologique fréquente.
Quelles avancées ces textes proposent-ils, et en quoi leur adoption pourrait-elle inspirer et bénéficier à la France ?
Qu’est-ce qu’un fibrome utérin ?
Les fibromes utérins sont des tumeurs bénignes qui se développent dans la paroi de l’utérus. Touchant jusqu’à 50 à 80 % des femmes au cours de leur vie, ils provoquent des symptômes très invalidants dans près de 15 millions de cas aux États-Unis : douleur pelvienne, règles abondantes, troubles de la fertilité, anémie, fatigue chronique.
Ce fardeau est aussi présent en France, où plusieurs centaines de milliers de femmes souffrent de cette pathologie chaque année.
Le contexte législatif aux USA en 2025 : des lois pour changer la donne
Deux textes majeurs sont à l'agenda du Congrès américain :
- Le U-FIGHT Act : vise à augmenter les financements fédéraux destinés à la recherche sur les fibromes, à améliorer la détection précoce et la prise en charge, ainsi qu’à renforcer la sensibilisation du public et du corps médical.
- Stephanie Tubbs Jones Uterine Fibroid Research and Education Act : propose l’allocation de fonds spécifiques pour la recherche et l'éducation, avec jusqu’à 30 millions de dollars par an sur 2024-2028, et la création de programmes pilotes axés sur les populations les plus touchées, en particulier les femmes issues de minorités ethniques.
Ces lois partagent les axes suivants :
- Expansion du financement dédié pour la recherche biomédicale, le recueil statistique et la formation des soignants.
- Subventions pour l’innovation thérapeutique et l’élargissement de l’accès aux soins.
- Actions de sensibilisation et d'éducation à destination du grand public et des professionnels de santé.
- Création de bases de données nationales pour mieux comprendre l’épidémiologie de la maladie.
Pourquoi la mobilisation ?
Les législateurs et les militantes dénoncent depuis longtemps le sous-financement du domaine : à peine 0,03 % des fonds de recherche fédéraux y ont été consacrés, alors que l’impact socio-économique des fibromes utérins se chiffre à 34 milliards de dollars annuels (dépenses médicales, arrêts de travail…).
Les défis actuels en France
Prise en charge
En France, les fibromes sont bien connus des praticiens, mais :
- Le parcours de soins est souvent long, avec un retard au diagnostic pour de nombreuses patientes.
- Si le traitement chirurgical (myomectomie, hystérectomie) est courant, les alternatives innovantes (embolisation, ablation, traitements médicamenteux ciblés) sont encore sous-utilisées ou peu remboursées.
- Les traitements comme l’ulipristal acétate (UPA) ont montré une réduction du nombre d’opérations (près de 18,000 chirurgies évitées de 2016 à 2019) et d’importantes économies pour l’Assurance Maladie (plus de 37 millions d’euros sur six ans), mais toutes les indications utiles ne sont pas encore remboursées.
Recherche et données
La recherche clinique sur les fibromes reste marginalisée. Le recueil systématique de données nationales fait défaut, et il existe peu de campagnes de sensibilisation grand public sur l’importance du dépistage précoce ou la diversité des options thérapeutiques disponibles.
Quels bénéfices pour la France d’une loi inspirée du modèle américain ?
1. Meilleur financement de la recherche et de l’innovation
Une politique ambitieuse analogue à celle proposée aux USA, avec un plan de financement dédié, permettrait :
- Le développement de traitements non-invasifs et personnalisés (nouveaux médicaments, ultrasons focalisés, embolisation),
- La mise en place de registres épidémiologiques nationaux pour mieux comprendre les facteurs de risque et l’efficience réelle des différentes stratégies thérapeutiques,
- L’accélération des essais cliniques multicentriques et le renforcement de la veille scientifique.
2. Amélioration du dépistage et du parcours de soins
En s’appuyant sur la création d’un observatoire national et sur des campagnes de sensibilisation :
- Les délais au diagnostic pourraient être réduits,
- Les options thérapeutiques non-chirurgicales seraient mieux connues et accessibles, limitant le recours à l’hystérectomie (qui reste majoritairement proposée en premier traitement en France),
- Le vécu des patientes, longtemps minimisé, serait mieux compris et pris en compte.
3. Des économies substantielles pour la Sécurité sociale
Les modèles économiques américains et français montrent qu’une politique de remboursement des traitements innovants, associée à une réduction de 20 à 30% du nombre d'interventions chirurgicales, permet des économies notables pour l'assurance maladie, tout en offrant une meilleure qualité de vie aux patientes.
4. Réduire les inégalités d'accès aux soins
Aux États-Unis, la loi cible en priorité les communautés sous-dotées en ressources médicales ; une telle politique en France permettrait de répondre aux inégalités territoriales et sociales, encore marquées en santé féminine.
5. Renforcer la visibilité et la reconnaissance des maladies gynécologiques
Grâce à des campagnes d’information et à la création de programmes nationaux de dépistage, la stigmatisation entourant les troubles menstruels et les fibromes s’atténuerait, contribuant à une meilleure connaissance du corps féminin et d’un sujet longtemps relégué au second plan.
Focus : la situation des patientes françaises
D'après les dernières études économiques et les retours d'expérience de patientes, la multiplication des options thérapeutiques, l’augmentation du financement public pour la recherche et la pédagogie, et la structuration du suivi au long cours apparaissent comme des leviers essentiels pour améliorer le vécu des femmes touchées par un fibrome utérin. La France gagnerait à :
- Rendre le remboursement des traitements innovants (médicaments, ultrasons focalisés) plus systématique,
- Créer une interface numérique unique pour l’information et la géolocalisation des centres experts,
- Impliquer davantage les associations de patientes dans l’élaboration des politiques publiques.
Quelles perspectives concrètes ouvertes par la loi américaine ?
L’adoption aux États-Unis d’un financement pérenne et massif en faveur des fibromes utérins aurait un impact mondial :
- Effet d’entraînement sur la recherche clinique européenne, via des études transatlantiques ou des transferts technologiques,
- Visibilité accrue du sujet dans les publications biomédicales,
- Comparaisons internationales facilitant l’évolution des recommandations françaises et européennes,
- Pressions accrues des associations françaises sur les décideurs publics, avec des chiffres américains à l’appui,
- Rapidité d’accès aux innovations thérapeutiques pour les patientes françaises grâce à la mutualisation de résultats d’études et de bases de données.
Conclusion
L’examen de la loi sur les fibromes utérins aux États-Unis ouvre une opportunité majeure : repenser en France un modèle de prise en charge globale, structurée, ambitieuse, centrée sur la qualité de vie des patientes. L’investissement dans la recherche, l’accès équitable aux innovations, la mobilisation des professionnels de santé et la valorisation du vécu patient pourraient profondément transformer notre rapport à la santé gynécologique. Un vrai défi collectif, inspiré du modèle américain, pour que le fibrome utérin ne soit plus jamais une fatalité, mais une maladie reconnue, prise en charge, et surtout, combattue efficacement.
Sources :